Wagner, compositeur de la fin du monde
Le film est crépusculaire, mais ce n’est pas le Crépuscule des Dieux qu’a choisi Lars von Trier pour illustrer la fin du monde. La douce tragédie de l’existence humaine, dénuée de sens et traversée par une mélancolie lancinante, s’exprime dans le dernier opus du réalisateur danois par le sombre chromatisme du prélude de Tristan une Isolde de Wagner, véritable apothéose de l’amour tragique, et chef d’oeuvre immortel de l’histoire de l’opéra occidental. Unique musique du film, Lars von Trier l’utilise de manière obsédante ; présente à des moments clés (dépression de Justine, approche menaçante de la planète Melancholia, etc.), c’est aussi elle qui introduit les toutes premières images du film – comme pour tuer d’emblée toute miette d’espoir – et c’est elle qui clôt le film, jusqu’à la dernière seconde, lorsque la planète Melancholia percute la Terre.
Un film sombre aux antipodes de Tree of life
Dans le mythe de Tristan et Iseult, revisité par Wagner, la passion amoureuse est tellement intense et douloureuse qu’elle n’a d’autre choix que d’aboutir à la mort, tragiquement. De l’opéra de Wagner, Lars von Trier ne retient que la tragédie et l’aspiration à la mort, en évacuant l’amour, préférant dépeindre la frivolité humaine, vouée à la décadence. C’est un film sombre, qui embrasse la mort comme une délivrance, tout à fait aux antipodes du message d’espérance de Tree of Life de Terrence Malick, vainqueur de la Palme d’Or à Cannes cette année.
Les deux films ont en commun une réflexion métaphysique sur le sens de la vie, mais proposent deux visions radicalement opposées : Tree of Life est une tentative pour saisir Dieu dans toute son immanence, de replacer l’homme au sein du cosmos et de manifester les liens invisibles qui le relient au Tout, dans un vaste élan d’amour ; c’est un grand Oui à la vie. Melancholia, au contraire, est un film fataliste, nihiliste, qui précipite l’humanité dans un néant apocalyptique.
Malgré sa noirceur, l’esthétique de Melancholia est absolument sublime, et procure une expérience de cinéma vraiment sensationnelle. Sur des images d’une beauté astronomique à couper le souffle, l’orchestre de Wagner est transporté dans une toute autre dimension, où la mort d’un couple amoureux laisse place à l’anéantissement total de l’humanité…
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