Quand Mozart sauve le Roi d’Angleterre
Le scénario est tout simple, mais c’est un grand film bourré d’émotions avec un jeu d’acteurs vraiment génial. Le Discours d’un roi raconte l’histoire (vraie) du duc de York, père de l’actuelle Reine d’Angleterre (interprété par Colin Firth) qui, en 1936, s’est vu contraint et forcé de devenir Roi, suite à l’abdication de son frère Edouard VIII. Son problème ? Il est bègue. Et à une époque où la radio s’impose comme un média de masse, c’est un réel handicap pour celui qui, alors que l’éclatement de la Seconde Guerre Mondiale est imminent, se doit de multiplier les discours publics pour rassurer et réunir ses sujets contre l’ennemi.
Après de nombreuses tentatives infructueuses, il tombe enfin sur un homme capable de de lui faire surmonter ses difficultés d’élocution. Ses méthodes sont qualifiées de peu orthodoxes, et mettent un certain temps avant de convaincre le monarque, qui est un homme blessé, en lutte avec lui-même, pétrifié par l’idée de devoir assumer son rôle de roi.
Pourquoi parler de ce film sur mon blog ? Parce que c’est Mozart – en quelque sorte ! – qui aide le futur roi à prendre conscience de l’efficacité des méthodes de ce docteur. Lors d’un exercice, il l’oblige à lire un texte de Shakespeare tout en ayant un casque avec du Mozart plein les oreilles. Le médecin enregistre sa voix, et là, stupéfaction ; lorsque le duc se décide enfin, avec réticence, à écouter sa prestation, il découvre qu’il a pu lire le texte sans gros problèmes d’élocution.
Alors, un réel effet Mozart ou une simple astuce pour lui détourner l’attention de son bégaiement ? Ce n’est bien sûr pas la musique de Mozart en particulier qui l’aide, mais la musique en général qui vient à son secours. Se laisser porter par l’expressivité de la musique qu’on écoute, sans faire attention à ce qu’on lit, voilà la thérapie proposée par le docteur – la musicothérapie devrais-je dire.
Un autre exercice prouve l’utilité de la musicothérapie : lorsque le duc a des blocages, le docteur lui demande de chanter ce qu’il a dire, au lieu de le parler. Et là magie : il n’a aucun problème à le faire; les mots perdent leur singularité, leur abstraction spatiale, pour se fondre en une entité qualitative où c’est la mélodie d’ensemble qui compte. 2 points pour la musicothérapie.
La dernière scène du film, absolument émouvante, est celle du fameux discours qui offre son titre au film, le premier discours de guerre du Roi, en 1939, suite à la déclaration de guerre avec l’Allemagne nazie. Et là ce n’est pas Mozart, mais Beethoven et l’andante de sa Symphonie n°7 qui est utilisé pour, à la fois susciter l’émotion du spectateur, et à la fois aider le Roi. Bien sûr, c’est de la fiction – le Roi n’écoute pas réellement la musique – mais ce n’est pas grave, faisons comme si c’était le cas, c’est en tout cas ce que le film montre : le Roi se laisse bercer par la musique pendant qu’il lit – avec une quiétude et une sérénité fraîchement acquise, fruits du travail entrepris avec le médecin – son discours au peuple britannique. Le médecin, qui se trouve là devant lui pour le rassurer, participe à la berceuse, en lui dictant les mots silencieusement tel un chef-d’orchestre qui dirigerait ses chanteurs sur scène.
Un nouvel exemple qui prouve, une fois de plus, que la musique est le plus parfait des langages, et qu’il est universel, au-delà de toute considération sociale, politique, historique, culturelle. Le choix d’utiliser Beethoven conforte cette idée : nous sommes en guerre, et on utilise de la musique « allemande » pour mobiliser la population, celle qui est pourtant en guerre contre l’Allemagne…