Stéphane Degout chante Elias, et laisse le public en liesse
On avait été frappés par leur programme a cappella en janvier dernier, au Temple du Saint-Esprit à Paris. Les choristes de l’Ensemble OTrente, dirigés par le jeune Raphaël Pichon, avaient conquis leur auditoire avec leRequiem de Herbert Howells et la Messe à double choeurde Franck Martin. Six mois plus tard, dans la grande basilique néo-gothique Sainte Clothilde à Paris, on les a retrouvés flamboyants aux côtés de l’excellent Orchestre 430, dans l’oratorio Elias de Felix Mendelssohn (1809-1847).
Rarement donné en concert, Elias est pourtant un véritable chef d’oeuvre de maturité du compositeur allemand, créé une année avant sa mort, le 26 août 1846 à Londres. Composé pour solistes, choeur et orchestre, cet oratorio biblique met en scène le prophète Elie, personnage religieux reconnu à la fois par les juifs et les chrétiens, et qui incarne bien pour Mendelssohn la réconciliation entre ses origines juives et sa conversion au luthéranisme.
Monument comparable au Messie de Haendel ou à la Passion selon Saint Matthieu de Bach, avec ses choeurs, airs et récitatifs, Elias a toutefois été composé en plein romantisme allemand, et la musique atteint des sommets d’expressivité, dans le choeur final notamment. Mais aussi dans la première partie de l’oeuvre, quand Elie harangue le peuple pour invoquer leur dieu païen, qui, malgré leurs cris de plus en plus fervents, demeure en silences. Ce passage était particulièrement remuant mardi soir, avec les « Baal! Gib uns Antwort » des choristes qui remplissaient en écho l’acoustique ample et généreuse de la basilique Sainte-Clothilde.
C’est donc Stéphane Degout qui interprétait le rôle d’Elias, l’un des plus grands barytons français d’aujourd’hui, qu’on connaît surtout pour ses grands rôles à l’opéra. Il a offert au public une interprétation époustouflante d’un bout à l’autre, stoïque dans les récitatifs, et terriblement émouvant dans les deux fameux airs « Herr Gott Abrahams » et « Es ist genug! ». Ce dernier est l’une des romances avec paroles les plus poignantes écrites par Mendelssohn, et un bouleversant écho à l’air « Es ist vollbracht » de la Passion selon Saint Jean de JS Bach. C’est en tout cas dans un silence quasi religieux que les centaines d’auditeurs ont vécu ce moment sans doute le plus recueilli de l’oeuvre.
Les autres solistes n’ont pas démérité, notamment l’excellent ténor Stanislas de Barbeyrac, et la mezzo Clémentine Margaine, qui a pleinement su montrer l’étendue de son talent dans le dialogue entre la Reine et le peuple notamment. Quant au choeur, il a livré une prestation absolument remarquable, autant dans la projection sonore que dans le phrasé, la cohésion des pupitres, même si ça et là quelques voix individuelles ressortent d’une pâte sonore par ailleurs très homogène. Très sollicités, les choristes – qui sont pour la plupart, rappelons-le, d’excellents amateurs – ont eu un rôle de tout premier plan et ont largement participé au succès de ce concert, accompagnés par le brillantissime Orchestre 430, bourré de jeunes talents internationaux, tous conduits d’une main de maître par Raphaël Pichon.
On retrouvera tout ce beau monde au prestigieux Festival de la Chaise Dieu, le 29 août prochain. Moment fort à ne pas rater si vous êtes dans la région!