Ces filles qui remuent leurs fesses vous feront-elles aimer Dvorak ?
Si vous fréquentez les réseaux sociaux ou YouTube, vous avez peut-être vu passer cette vidéo volontairement provoc et sensuelle de cinq jeunes danseuses coréennes qui gesticulent leur postérieur au rythme du dernier mouvement de la Symphonie du « Nouveau Monde » d’Antonin Dvorak. Non?
Le public visé, vous l’aurez compris, n’est pas celui des mélomanes ordinaires de musique classique dont les collections de disques recouvrent tout entiers les murs de leurs salons, et pour qui la musique de Dvorak (ici dirigée par Herbert von Karajan et le Philharmonique de Vienne) n’a plus aucun secret pour eux.
« The Classical comeback », ou la revanche du classique
« The Classical comeback », tel est le nom de cette opération de comm imaginée par des Flamands pour faire la pub de leur festival B Classic. Partant du constat que la musique classique, qui traîne avec elle son lot de clichés et sa poussière d’un autre âge, ne parvient pas aux oreilles d’une majorité de jeunes de la génération Facebook et MTV – qui découvrent souvent des nouvelles musiques via des clips originaux – ils ont eu l’idée originale de brouiller les canaux de diffusion, en plaçant discrètement du classique là où on entend habituellement du rock, de la pop, du rap…
Un vulgaire patchwork pour un nouveau « Nouveau monde »
Pendant 3 (longues) minutes, on voit donc ces 5 danseuses se bouger sur la musique du compositeur tchèque, dans des décors variés sensés évoquer le « nouveau monde » d’aujourd’hui (l’Asie) – espace urbain, stade de foot, aquarium géant…
Et à la fin du clip, ce simple message : « Vous venez d’écouter 3 minutes de musique classique ». C’est la première fois que l’équipe de production qui a réalisé le clip a travaillé avec de la musique classique, et ça se voit : à part quelques ralentis évidents et évocateurs, qui collent bien à la partition, l’ensemble est assez mauvais, avec une chorégraphie (signée Ari & Miu Waveya) à la limite de l’obscène qui semble avoir été grossièrement collée sur la musique, au détriment des subtilités rythmiques et harmoniques (ou l’inverse, comme vous préférez). En gros, les filles se plient en 4 (ou plutôt en 5) pour bouger leurs fesses (gros plans et ralentis pornographiques garantis) et attirer dans leurs filets la gente masculine qui bave devant leurs silhouettes élancées, comme si la musique de Dvorak n’évoquait rien d’autre que cela…
Quoi de mieux, me direz-vous, que le sexe pour vendre et attirer les foules (masculines) ? Face à la crise de l’industrie discographique, les marketeurs l’ont bien compris : il suffit de faire dans le sensuel ou l’érotique pour vendre un disque, au détriment (souvent, parfois) de la qualité musicale intrinsèque. La sexualité, pulsion fondamentale de l’être humain, trompe l’esprit et entraîne le désir matériel. Rien de nouveau là-dedans.
2,3 millions de vues sur YouTube en 10 jours !
Pour le moment, difficile de prévoir les conséquences de la diffusion auprès des jeunes néophytes (vont-ils se mettre tout à coup à dévaliser la fnac en achetant l’oeuvre intégrale de Dvorak ?) mais ce qui est sûr, c’est que le clip (qui a déjà été vu plus de 2,3 millions de fois !) fait surtout le « buzz » chez les mélomanes et les musiciens classiques, qui se montrent soit amusés… soit indignés.
Au final, sur le plan strictement musical, tant mieux si une partie de la population découvre les grands chef-d’oeuvres du répertoire par ce biais, mais hélas, espérons qu’ils finissent vite par oublier les images et ne retenir que les notes… Dvorak avait dépeint les grands espaces américains : pas sûr qu’il avait prévu d’y placer des pom-pom girls.
Et vous, qu’en pensez-vous ?