Les Nocturnes de Chopin démystifiés par Claire-Marie Le Guay
Parmi les centaines de miniatures pour piano composées par Chopin, les 21 Nocturnes sont sans doute celles qui sont le plus habitées par l’âme nostalgique du compositeur polonais exilé en France, et par là, elles incarnent sans doute le mieux le romantisme introverti de l’époque, celui pour lequel les artistes et les écrivains creusaient au plus profond d’eux-mêmes, libérant souvent une créativité hors-norme et donnant naissance à d’authentiques chef d’oeuvres.
C’est un peu le message qu’a souhaité faire passer la pianiste Claire-Marie Le Guay, le 24 septembre lors d’un concert atypique à la Salle Gaveau, à Paris, où elle a interprété six nocturnes parmi les plus intimistes. Un concert atypique car la première partie était une sorte de conférence musicale donnée par Stéphane Friédérich, rédacteur en chef du magazine Pianiste et Claire-Marie Le Guay elle-même, pour resituer les Nocturnes dans leur contexte historique, et pour en faire une analyse musicale à la fois subtile et grand public. Claire-Marie Le Guay s’est surtout concentrée sur un nocturne en particulier, le n°13 en do mineur op.48 n°1, assurément l’un des plus émouvants de Chopin. Elle y a expliqué le choix de la tonalité de do mineur, y a décrit la nécessité de le jouer avec rubato, et parmi les images qu’elle a utilisées pour décrire l’art de Chopin, on retiendra cette heureuse métaphore, qu’on pourrait retranscrire avec ces mots : « La main gauche est un bel homme galant qui rassure et accompagne de ses solides arpèges le chant méditatif et parfois fragile de la main droite, incarné par la femme aimante »…
Si on met de côté une qualité de son des micros plutôt médiocre et un débit de paroles souvent trop pressé, l’expérience fut un réel succès auprès d’un public très réceptif, et on salue la double prestation de Claire-Marie Le Guay en tant que conférencière et en tant que pianiste virtuose. Et si on aurait préféré qu’il n’y ait pas d’entracte interminable, coupure frustrante qui vient souvent briser la magie d’une soirée, le petit concert de la seconde partie était d’une magistrale beauté : on a senti le public très concentré, et avec les explications musicales encore toutes fraîches en tête, il avait les clés d’écoute nécessaires pour pénétrer encore plus profondément dans cette musique si géniale. On a notamment entendu les nocturnes n°1, n°4, n°6, n°8 et n°15.
Bref, une jolie réussite que ce concert didactique, fruit d’un partenariat entre la Salle Gaveau et le magazine Pianiste. Avec une mise en scène plutôt sobre, on est bien loin d’un show à la Jean-François Zygel, dont les spectacles font toujours salle comble, mais la force des grands artistes est aussi de savoir s’effacer quand il le faut devant le génie des grands maîtres compositeurs.
D’autres concerts du même type, sous-titrés « Au coeur d’une oeuvre », sont prévus durant toute la saison 14-15 à Gaveau, toujours en compagnie de Claire-Marie Le Guay au piano. Pour nous, rendez-vous est pris le 10 décembre avec les fameux Préludes de Rachmaninov.